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Partie 1 : De l’indépendance au génocide rwandais

La Première guerre

« L’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo » - Frantz Fanon

En 2025, on parle beaucoup de minéraux, d’économie et de pillages pour expliquer le conflit continu au Congo. C’est vrai, aujourd’hui. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que la guerre de 96 est avant tout un conflit idéologique et stratégique. Le Rwanda voit les Kivus comme une menace pour sa sécurité, l’Ouganda et l’Angola veulent se débarrasser de Mobutu qui soutient des groupes rebelles.

C’est aussi une des premières guerre afro-africaines : Les pays africains décident de leur sort sans l’intervention directe des Occidentaux. Lors des premières semaines de la guerre, cette intervention était vue comme le début de l’arrivée de l’Afrique sur la scène mondiale. Pendant ce temps la guerre froide est finie, les Occidentaux n’ont plus besoin de Mobutu, et le lâchent. L’AFDL avance très rapidement, et le régime mobutiste ne peut qu’opposer une résistance symbolique. L’armée zaïroise est composée de soldats fidèles et d’officiers intelligents, mais ils n’ont pas les moyens de faire leur travail à cause de la spectaculaire corruption du régime.

Bukavu, capitale du Sud-Kivu, est prise par l’AFDL deux semaines après le début de la guerre. Goma, capitale du Nord-Kivu, est prise presque sans combattre : Les généraux en charge de la ville, cherchant à s’enrichir, ont passé les deux dernières années à vendre leur équipement et des informations au Rwanda et prennent la fuite à l’arrivée de l’AFDL. L’armée ougandaise, qui est entrée dans le Zaïre par le nord, capture la ville de Mahagi avec seulement trente soldats.

Le régime décide de rassembler sa résistance à Kisangani, au centre du pays et troisième plus grande ville du Zaïre. Ils font jouer leurs contacts à Paris et à Belgrade et engagent 280 mercenaires français (des anciens de la Légion, majoritairement) et serbes, sous le commandement du colonel belge Christian Tavernier. 6000 soldats génocidaires rwandais, et des angolais de l’UNITA pro-Mobutu, se rassemblent également là-bas. Les Serbes pilotent des avions de combats J-21, mais ils sont systématiquement ivres, mal équipés pour le climat tropical, et la plupart chopent la malaria ou la diarrhée. Finalement, seuls les ex-génocidaires rwandais combattront vraiment, les Serbes passeront leur temps à violer des civiles et les soldats réguliers zaïrois prennent la fuite à la première occasion.

Kisangani tombe le 15 mars 1997, et c’est l’effondrement pour Mobutu : L’armée se désintègre une fois pour toutes, les soldats prennent la fuite, les généraux et les ministres du régime organisent des charters pour évacuer leur richesse avant de quitter le pays. Quand Mobutu tente de téléphoner à un général, de plus en plus, on ne lui répond pas.

Dans chaque ville qu’ils traversent, l’AFDL est accueillie comme des libérateurs. Les restaurants, les bars servent les soldats gratuitement. Mais pour autant, ils ne se comportent pas en libérateurs tout le temps. Quand l’AFDL prend le camp de réfugiés de Tingi-Tingi en février 1997, ils massacrent entre 25 000 et 190 000 Hutus, particulièrement des vieux et des malades qui n’avaient pas eu le temps de fuir. Ils sont tués à l’arme blanche, à la massue, noyés dans la rivière. Les civils rwandais réfugiés dans les Kivus prennent la fuite à pied vers l’intérieur du pays, notamment à Kisangani. Mais après la prise de Kisangani, l’AFDL bombarde au mortier les camps de réfugiés au sud de la ville. Des milliers de gens partent sur les routes et meurent de faim, d’épuisement et de maladies. Des témoins parlent de gens qui s’effondrent au bord du chemin et y sont laissés par leurs familles qui n’ont pas l’énergie de les aider, de nourrissons qui essaient encore de téter les cadavres de leurs mères.

L’armée rwandaise massacre également des Hutus, mais comme à son habitude, avec professionnalisme. Un missionnaire belge témoin d’exécutions dira « Les soldats agissaient comme si ils faisaient juste leur travail. Ils n’étaient pas hors de contrôle ». Les enquêteurs de l’ONU concluront que les massacres étaient perpétrés sous les ordres de l’Etat-major rwandais, sans qu’aucune conséquence officielle ne frappe le FPR.

Mai-Mai et Kadogo : Le chaos s’installe

L’effondrement du pays, juste avant et pendant l’arrivée massive des réfugiés rwandais, amène les tribus locales à s’organiser en groupes de défense. On les appelle « Mai-Mai », ou « mayi-mayi », d’après le mot swahili « maji » voulant dire « eau ». Plusieurs de leurs leaders prétendent être des sorciers, possédant des recettes d’eau magiques infusée d’herbes rendant les soldats invulnérables aux balles. « Mai-Mai » étant depuis devenu un mot générique pour toute milice de défense locale, ils sont très décentralisés, et tous les groupes mai-mai ne croient pas à ces histoires de sorcellerie.

Certains défendent deux ou trois villages, armés d’arcs et de flèches. D’autres ont des vieilles pétoires de l’époque coloniale. Les plus gros groupes ont réussi à racheter du matériel militaire aux soldats zaïrois et se donnent des noms ronflants, comme le Mouvement de Lutte contre l’Agression au Zaïre. Durant la première guerre, la plupart des Mai-Mai se sont alliés informellement avec les mobutistes, voyant l’AFDL comme des étrangers. Originellement une spécificité du Kivu, la déstabilisation du pays fait que des Mai-Mai vont finir par apparaître sur tout le pays, y compris au Katanga ou tout au nord du pays, dans le territoire d’Ituri. En termes de nombre, les Mai-Mai sont la première force militaire du pays, mais ils sont si décousus qu’ils n’occuperont qu’une place marginale dans le conflit. Ils finiront surtout par se concentrer sur d’anciennes querelles ethniques ou des tentatives de contrôle des ressources naturelles, surtout à Ituri.

C’est aussi durant la Première guerre que le recrutement de kadogo – d’enfants-soldats – se généralise. Après la prise de Bukavu, l’AFDL recrute des soldats à travers les troupe de Scouts locaux, les clubs de sports pour enfants, ou directement dans les salles de classe. Les kadogo, plus facilement endoctrinés, sont considérés comme plus loyaux, plus dignes de confiance. L’ONU estime qu’environ 10 000 kadogo serviront dans l’armée de l’AFDL. Ils seront recrutés principalement à Bukavu, entraînés au Rwanda, et renvoyés au sein de l’AFDL, certains même dans la garde rapprochée de Kabila. Anselme Masasu, un des co-fondateurs de l’AFDL, rwando-congolais et sergent dans l’armée rwandaise, devient « Monsieur Kadogo », le spécialiste de leur recrutement et de leur entraînement.

Kabila au pouvoir

Mobutu, aux abois, accepte sous la pression occidentale de rencontrer Kabila pour des pourparlers de paix sous la médiation de Nelson Mandela. C’est un désastre : Durant tout l’entretien, Kabila refuse de regarder Mobutu dans les yeux, craignant que le « Vieux Léopard » lui jette un sort par son regard. Mobutu, insulté, quitte les lieux sans signer d’accord.

Tout le monde comprend que le vent tourne et que les jours de Mobutu sont comptés. Les premiers à agir sont les intérêts économiques occidentaux, avec des émissaires de différentes compagnies minières et de Citibank qui arrivent à Lubumbashi pour des négociations avant même la fin de la guerre. D’autres investisseurs indépendants, comme le trader de diamants mauricien Jean-Raymond Boulle ou le Suédois Alfred Lundin, signent des contrats offrants des millions de dollars à l’AFDL pour des droits sur des filons de diamants ou de cuivre, en toute illégalité.

Kabila est un socialiste, à l’origine, il n’a pas d’affection pour le capitalisme, mais les Rwandais finissent par le convaincre qu’il a besoin d’argent. Il finira par fonder la Compagnie Mixte d’Import-Export (COMIEX), qui sera censée être rattachée à l’Etat congolais « quand il aura gagné le pouvoir »… mais ne le sera jamais.

Les Américains, qui veulent éviter un bain de sang à Kinshasa si les mobutistes essaient de défendre la ville, soudoient le général Donat Mahele pour qu’il arrive à persuader Mobutu et son cercle rapproché de fuir le pays. Face à l’avancée de l’AFDL, Mobutu, atteint d’un cancer, finit par craquer et remplit un Boeing 747 de tout ce qu’il possède, et fuit en mai 1997 pour le Togo, puis la France et la Suisse et enfin le Maroc où il mourra en septembre. Donat Mahele sera exécuté par des loyalistes mobutistes et l’armée, sans commandement, sombre dans le chaos et les pillages pendant que l’AFDL prend Kinshasa sans combattre.

Kabila se retrouve face à une économie en ruines, notamment en raison de la corruption de l’ancien régime, mais aussi du pillage généralisé au moment de la chute : Les coffres de la Banque centrale sont vidés, seul un billet de 50 français est laissé sur place, en guise d’insulte, par les anciens mobutistes. L’ancien régime a brûlé les documents, volé les téléphones et les fax pour les revendre à l’étranger, dévissé les ampoules et les poignées de porte pour revendre le métal.

Kabila hérite d’un AFDL largement fracturé : Les forces armées sont composées de rebelles Banyamulenge, de soldats rwandais, d’Ougandais, de rebelles historiques du Katanga… Et la victoire beaucoup trop rapide sur Mobutu n’a pas laissé le temps aux rebelles de former quelque chose qui ressemble à une…


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